Dans les œuvres mixtes d’Agostino Di Scipio, compositeur qui s’intéresse essentiellement au domaine de la musique numérique, les instruments sont généralement considérés et intégrés comme une partie active d’un système de live electronics. Dans ces œuvres qui s’articulent généralement autour d’un système de feedback élaboré, l’espace tient alors une place essentielle : c’est le lieu au sein duquel et à partir duquel s’effectuent toutes les relations entre l’instrument, les traitements en direct et l’auditeur. Le système numérique, conçu pour réagir en direct aux conditions sonores (créées par les différents acteurs : instruments, haut-parleurs, et salle), doit ainsi s’adapter en permanence pour permettre à la partie sonore dans son ensemble de « survivre », de conserver un équilibre dynamique et de rester intéressante sur le plan sonore et musical. L’œuvre, fragile et éphémère, que nous écoutons émerge ainsi de la rencontre de plusieurs paramètres changeants et interdépendants : la partie instrumentale (écrite), l’interprétation, les caractéristiques acoustiques et sonores du lieu, la réaction du système et enfin l’écoute.
Dans cet univers musical très particulier, très fragile, sans cesse renouvelé, comment analyser ces pièces mixtes ? Que faut-il analyser ? Comment analyser l’influence de la partie instrumentale sur le système live electronics ? La spécificité de la démarche d’Agostino Di Scipio exige un questionnement esthétique permanent et une remise en cause de l’analyse musicale…
Renaud Meric
Renaud Meric est docteur en musicologie (Thèse sous la direction de Makis Solomos : L’appréhension spatiale de l’écoute : un mouvement entre imagination et perception. L’exemple de la musique électroacoustique). Ses recherches s’intéressent aux relations entre l’écoute et le son, en particulier aux relations spatiales. Il a également étudié au conservatoire de Marseille / GMEM et a publié plusieurs articles sur la musique d’Agostino Di Scipio et de Iannis Xenakis.